Analyse de Philippa York Tour de France : Comment résolvez-vous un problème comme Team UAE ?
Dans la ville de Morzine, le Tour de France a éclaté dans un chaos familier. Des pilotes Harley Davidson vêtus de cuir, une musique heavy metal conséquente, des cyclistes vêtus de Rapha et un haut-parleur crachotant les noms des pilotes depuis la plate-forme de présentation fusionnent avec une harmonie déroutante sous une journée d’été particulièrement chaude. Mais au milieu de tout ce pandémonium familier, les coureurs du Tour de cette année sont confrontés à des défis uniques.
Le COVID-19 est un problème sérieux pour le Tour de France mais dans le peloton, ils ont aussi un autre problème difficile, et c’est celui qu’ils ont dû se poser depuis le début de la course et pour les deux dernières éditions de la course : Comment faites-vous battre Tadej Pogacar ?
Ineos Grenadiers est venu avec son trident habituel d’espoirs: Geraint Thomas, Adam Yates et Dani Martinez avec un quatrième mousquetaire sous les traits de Tom Pidcock. Jumbo-Visma s’est montré confiant avec Primoz Roglic et Jonas Vingaard, leur donnant un choix multiple, tandis que tous les autres prétendants à la couronne de Pogacar pensaient qu’un leader était suffisant dans la bataille du GC.
Jusqu’à présent, il est peu probable que le double vainqueur du Tour soit empêché d’en faire trois d’affilée, mais il est important de se rappeler que la moitié de la course reste à courir.
En s’imposant à Longwy et à La Planche des Belles Filles, Tadej Pogacar a montré qu’il était plus fort que jamais mais la grande question est de savoir si UAE Team Emirates est capable de faire face aux responsabilités quotidiennes de protection et de défense de Pogacar et du maillot jaune. C’est une enquête légitime.
Dans un scénario parfait, ils auraient pu réduire le stress en permettant à un autre coureur et à une équipe de porter le maillot jaune et toutes les responsabilités qui vont avec. C’était le plan sur le chemin de Megève mais Jumbo-Visma a tourné la vis et il était probablement trop tard pour en tirer un réel avantage.
Il reste deux journées massives à franchir dans cette deuxième semaine avec des arrivées au Col du Granon puis à L’Alpe d’Huez destinées à bousculer la course et à confirmer qui sont les vrais prétendants et les plus grands challengers de Pogacar.
Prétendants au trône
Je pense toujours que la victoire à Paris se résumera à une rivalité entre deux coureurs : Pogacar et Vingaard.
L’UAE Team Emirates domestiques a été assez forte jusqu’à présent pour contrôler toutes les situations périlleuses, mais la perte de Vegard Stake Laengen puis de George Bennett signifie que la dynamique a changé. Ce sera à Ineos et Jumbo de profiter de leur nombre supérieur.
Roglic est à près de trois minutes après s’être écrasé sur les pavés et c’est significatif. Il devra sûrement jouer un rôle d’équipe pour Vingaard. La quantité de Roglic récupérée sera la clé des options de Jumbo-Visma.
Ineos Grenadiers devra s’engager à mettre l’un de ses pilotes GC dans les pauses qui vont se dégager chaque jour.
Normalement, cela aurait été un rôle pour Dani Martinez, mais il est fissuré, de sorte que la responsabilité passe à Tom Pidcock car ni Geraint Thomas ni Adam Yates n’auront probablement beaucoup de liberté. La performance de Pidcock à ce stade de la course est relativement inconnue, mais le résultat souhaité consiste à briser le contrôle de l’équipe UAE Team Emirates, à isoler Pogacar puis à essayer de le distancer.
Obtenir des informations tactiques des équipes du GC n’est pas facile avant les grands jours de course, j’ai donc demandé à ceux qui avaient moins de peau dans le jeu.
François Lemarchand, directeur adjoint chez ASO, est assis dans la Skoda rouge directement derrière le peloton et voit bien plus que les coureurs cassés et abandonnés. Son point de vue était que même avec deux gars de moins, UAE Team Emirates et Pogacar avaient tout couvert. « Impérial » était sa description de la façon dont le maillot jaune menait ses affaires.
Tom Southam et Andreas Klier, directeur sportif d’EF Education-EasyPost, étaient du même avis.
Les coureurs de soutien sont le point faible de l’armure de Pogacar, Andreas nommant Rafa Majka comme la clé de tout. Le grimpeur polonais étant le seul à ses yeux à pouvoir combler des lacunes substantielles en montagne.
S’il n’est pas là, Pogacar pourrait avoir de sérieux ennuis et être incapable de contrôler ses rivaux du GC car même lui ne peut pas tous les accompagner. Les zones dangereuses ne sont pas les arrivées en montagne mais l’accès à la montagne finale sans s’épuiser au préalable.
Je suis d’accord avec cette analyse. Mais si Pogacar imprime son autorité sur le Col du Granon ou L’Alpe d’Huez, alors les coureurs laissés pour compte commenceront à courir non pas pour gagner à Paris mais pour défendre leur propre classement individuel au GC. Ce qui ne fera que l’aider davantage.
Il y a cependant quelques mouches dans cette pommade théorique : le malheureux incident mécanique qui éloigne temporairement Pogacar. Il y a aussi le risque d’une embuscade sur une étape moins difficile verticalement.
Les deux seraient des moyens brutaux de perdre le Tour de France 2022, alors la disparition de Rafa Majka pourrait être non moins dramatique et tout aussi significative.